par Anissa Laadjel chez Art et Sciences (20/03/2009)

antonio giacomo stradivari

Le mystérieux son du Stradivarius et autres fameux violons trouve enfin son explication … Le responsable : un insecticide employé alors pour protéger le bois de ces instruments hors norme.

Un insecticide serait à l’origine du son inimitable des Stradivarius : c’est ce que revèlent l’étude de l’équipe amércaine de Joseph Nagyvary (Université A&M du Texas), publié en janvier dernier dans le journal scientifique Public Library of Science(1).Cet insecticide, utilisé pour protéger les violons des attaques de vers, entraîne la rupture des molécules d’hémicelluloses, un constituant du bois. A l’insu des luthiers du XVIIème et du XVIIIème siècle les propriétés acoustiques des instruments étaient alors modifiées. Les plus grands luthiers de cette période étaient entre autres Antonio Giacomo Stradivari et Pietro Giovanni Guarneri.

Des travaux de recherche débutés il y a 33 ans…

violon de stradivari

C’est à la suite des efforts vains de nombreuses générations pour atteindre le haut niveau d’excellence des grands luthiers tels Stradivari que Joseph Nagyvary, professeur de biochimie, a commencé à s’intéresser au sujet, il y a… 33 ans.
Grâce à son opiniâtreté, une première piste va s’imposer en 2006, avec la publication dans « Nature » d’une étude relevant l’apport de la dégradation des polymères du bois des instruments de A.G.Stradivari et P.G.Guarneri dans la signature du son de ces violons d’époque(2). Les chercheurs ont utilisé la résonance magnétique nucléaire et la spectroscopie proche infrarouge sur des éclats de bois de violons, confiés aux scientifiques par des restaurateurs. Ils ont alors mis en évidence la rupture des molécules d’hémicelluloses (que l’on trouve avec la cellulose et la lignine dans les cellules du bois), et conclurent que cette rupture ne pouvait s’expliquer que par l’utilisation de produits chimiques. Selon J.Nagyvary, « ce phénomène résulterait de l’oxydation produite par un pesticide utilisé à l’époque ».

Avec sa nouvelle étude publiée récemment(1), J.Nagyvary vient aujourd’hui de montrer que le bois en érable des violons des luthiers de Crémone (Stradivari, Garneri) sont constitués d’une structure minérale différente de celle de l’érable utilisé dans les violons aujourd’hui.

Le secret dévoilé…

Afin d’identifier les minéraux présents dans les échantillons de bois des instruments antiques, ceux-ci ont été analysés et comparés à des variétés de bois d’instruments récents. Pour cela, les chercheurs ont brûlé des échantillons de bois pour les réduire en cendre, seul moyen d’obtenir la nature des éléments chimiques. Différentes méthodes d’analyses ont alors été appliquées : image en électrons rétrodiffusés, spectroscopie de fluorescence X, spectroscopie dispersive de longueur d’onde, spectroscopie dipersive d’énergie et analyse quantitative par microsonde.

borax

Les 4 instruments de Crémone analysés, ont montré le signe indiscutable de traitements sous forme de produits chimiques, qui ne sont pas naturellement présents dans le bois d’érable. Les chercheurs ont révélé la présence de borax, fluorure, chrome, de sels de fer et d’autres molécules (du BaSO4, CaF2, et ZrSiO4).
Les chercheurs ont également constaté des changements dans la structure des minéraux propres au bois. Le borax était utilisé dans l’ancienne Égypte comme insecticide. Ces éléments chimiques étaient donc probablement utilisés afin de traiter le bois, pour éviter qu’il soit mangé par les vers, ce qui était le cas à l’époque.

Les travaux des chercheurs expliquent pourquoi toutes les tentatives de reproductions d’un «Sradivarius» avec du bois naturel ont échoué. Certains penseront certainement que cette découverte n’est pas forcément une bonne chose. En trouvant la façon de les reproduire, le mythe des “Stradivarius” perd peut-être ici un peu de sa valeur.
Antonio Stradivari a fabriqué près de 1200 violons et ne les vendait qu’aux plus riches. Actuellement, il n’en reste plus que 600, et chacun est estimé à plus de cinq millions de dollars.

(1) « Mineral Preservatives in the Wood of Stradivari and Guarneri« , par Joseph Nagyvary, Renald N. Guillemette, Clifford H. Spiegelman, in Public Library of Science, 22 janvier 2009.
(2) « Wood used by Stradivari and Garneri« , Nature (Brief Communication) vol 444, page 30, novembre 2006.

Pour en savoir plus :
 Site de Joseph Nagyvary : http://www.nagyvaryviolins.com/